Il faut savoir que même si ce blog propose beaucoup de chroniques de romances (mes lectures loisir mais pas que) je suis prof de français (je lis quasi de tout et peux passer de Colette à une romance en passant par un thriller ou une bd sans problème) et surtout, j'ai fait mon mémoire sur les "Claudine" de Colette, c'est donc une écrivaine que je connais bien.
Et pourtant, j'ai dévoré cette biographie (car il y en a déjà des tas sur elle) d'un nouveau genre : tout d'abord, elle est hyper documentée et originale par ce qu'elle propose : en effet, elle a quasiment autant de documents iconographiques (photos, dessins, couvertures, publicités de l'époque etc.) que de textes. Elle permet de découvrir l'écrivaine (mot que Colette a utilisé en parlant d'elle à une époque où ce n'était pas du tout usité) avec des tas d'anecdotes mais aussi de rentrer dans sa vie depuis son enfance jusqu'à sa mort (et même au-delà puisque l'on revient sur ses funérailles nationales : seule femme de lettres (et première femme) à en avoir bénéficié.
Il y a aussi des interviews de spécialistes de Colette qui font environ une page mais majoritairement, ce sont des textes assez courts qui permettent soit de dévorer la biographie telle que je l'ai fait, soit d'y revenir régulièrement car ce n'est pas non plus une biographie chronologique. Bien sûr, Samia Bordji fait des choix mais elle insiste aussi sur la renommée internationale de l'auteure mentionnant par exemple que Maryline Monroe avait des livres de Colette qu'elle appréciait particulièrement et travaillait sur l'un de ses textes au moment de sa mort (en revanche, on ne sait pas lequel).
Cette biographie nous apprend qu'outre la grande écrivaine qu'elle était, c'était aussi une journaliste qui a couvert le conflit de la première guerre mondiale, abordant des sujets inattendus telle que la sexualité en temps de guerre : de même, elle a abordé des sujets dans ses textes qui ont un écho encore aujourd'hui tels que le viol, les avortements clandestins (avec la loi pour l'IVG qui vient d'être inscrit dans la constitution) la guerre, le racisme, la drogue, la misère etc... bref, des sujets sérieux alors que l'on ne la considère pas toujours comme telle.
Bien sûr, on évoque l'influence de ses parents et notamment de sa mère, Sido, qui était elle aussi une femme moderne pour l'époque et qui l'a influencée, ou encore de ses maris et de sa fille dont au final, elle s'est peu occupée, plus écrivaine que femme et mère. Son frère lui reprochera de ne pas avoir été présent aussi moment du décès et de l'enterrement de sa mère.
On découvre aussi qu'elle dévorait Balzac depuis l'âge de 6 ans, a lu les grands auteurs de son temps dès son plus jeune âge (sa mère ne lui interdisait aucun livre, sauf ceux pour enfants qu'elle trouvait abêtissant), qu'elle se voyait tel le double de Marcel Proust (alors qu'elle n'appréciait guère Hugo ou Dumas) ou encore, qu'elle considérait Jean Cocteau comme son petit frère, qu'elle a découvert aussi bien Georges Simenon qu'elle a lancé la carrière d'Audrey Hepburn avec l'adaptation de Gigi.
Colette est une femme complexe et touche à tout : avide de la vie (c'était aussi une amatrice de bonne chère, il y a de nombreuses recettes surprenantes dans cette biographie aussi) et cassant les codes à une époque où les femmes n'avaient aucun droit ou quasi. On réalise qu'elle a lancé des produits de beauté, s'est lancé dans la musique avec Maurice Ravel, qu'elle a eu des vignes et a produit du vin, a eu une influence dans le cinéma et que malgré sa santé fragile, elle a dévoré la vie par les deux bouts.
Il y aurait tant à dire sur ce livre qui m'a donné envie de me replonger dans l'oeuvre si riche de cette autrice si mal reconnue, encore aujourd'hui (il y a dans la biographie des citations de ses détracteurs, y compris aujourd'hui : or, quand on voit certains noms très bobo-parisiens, peut-on être étonnés? puisqu'elle incarne à la fois cette France profonde, avec son accent bourguignon, même si elle a vécu longtemps et a fini sa vie à Paris, qu'ils détestent)
Fort heureusement avec les temps qui changent, le talent des femmes qui bafouaient les codes, sont reconnus et maintenant elle est étudiée pour le bac de français. ENFIN devrais-je dire! Il était temps!
Samia Bordji est aussi en charge du Musée Colette et nous donne envie d'aller faire un tour en Puisaye sur les sources de l'autrice et je suis fière d'avoir contribué (de manière modeste) à la réhabilitation de certaines de ces pièces. Je me souviens aussi de la gentillesse de Foulques de Jouvenel qui, lorsque je travaillais sur les "Claudine" m'avaient envoyé les films de la série
Bref, cette biographie est une merveille : elle rend hommage de manière passionnée à cette autrice si moderne et l'on se dit qu'elle a fait avancer la cause des femmes, sans doute sans le vouloir, en se jouant des codes, en vivant sa vie telle qu'elle l'entendait. Les photos, les dessins et diverses illustrations enrichissent la connaissance de cette auteure et la rendent si proche de nous. J'ai adoré voir l'évolution de la petite fille, photographiée pour la première fois à 3 ans (ce qui est rare pour l'époque) jusqu'à la femme âgée qu'elle était quand elle est décédée.
Je ne connaissais pas ces éditions mais ce qui est sûre, c'est que je les suivrais.
Bravo à tous pour ce travail, c'est une vraie réussite : je connaissais bien la vie de Colette et pourtant, j'ai encore appris de nouvelles choses. C'est une biographie qui s'adresse aussi au grand nombre de par sa rédaction et j'espère vraiment qu'elle aura la reconnaissance et le succès qu'elle mérite.
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