samedi 4 novembre 2017

Une dystopie réussie et totalement dans l'air du temps...

samedi 4 novembre 2017
De par mon métier, je fais souvent étudier des utopies ou contre-utopies, appelées pour ces dernières, dystopies depuis quelques années. Evidemment, quand Vanessa, l'éditrice des Editions Dreamcatcher, m'a proposé le premier tome de Matriochkas de Christelle Da Cruz, je ne pouvais être qu'intéressée et évidemment, j'en profite pour la remercier, une nouvelle fois, de sa confiance. Et je me dis que j'ai bien fait! Non seulement, il se lit très vite (en revanche, c'est horrible de devoir attendre autant pour avoir la suite, l'auteure étant en train de finalise l'écriture du second tome, m'a-t-elle dit) mais en plus, il tombe très bien au moment où les "affaires" liées aux mauvais traitements faites aux femmes (voire pire) sont révélées et où leurs paroles se libèrent. Forcément, il prend une toute autre dimension. Bien sûr, c'est un hasard (le roman n'a pas été écrit le mois dernier) s'il sort pendant cette période mais forcément, vous le verrez différemment. Ce roman sortira le 6 novembre donc aux Editions Dreamcatcher donc et l'enseignante que je suis ne peut souhaiter qu'une chose : qu'il sorte en poche pour le faire lire à mes élèves qui préparent le bac.

Voici la présentation de l'éditeur

Depuis près de soixante ans, le pouvoir appartient aux femmes. Une mystérieuse épidémie a lourdement décimé la population masculine et l’isolement des survivants a conduit à une réorganisation totale de la société.
Au cœur de la capitale, Gabrielle, chauffeuse de taxi, mène une vie sans histoire entre son boulot et ses amies. Un soir, au détour d’une course réalisée pour une riche cliente, elle va se retrouver plongée dans une intrigue inquiétante.
Qui est cet homme, évadé d’un pôle d’enfermement, qui ne cesse de la traquer ? Comment a-t-il pu atteindre la capitale sans être interpellé ? Autant de questions dont les réponses pourraient bouleverser l’ordre établi.

Mon avis : comme je l'ai dit au départ, ce roman est une dystopie, c'est à dire une société imaginaire créée par l'auteure afin de faire réfléchir à la nôtre : contrairement à l'utopie qui propose un monde idéal, la dystopie propose une civilisation qui se prétend parfaite mais qui est en réalité totalitaire et donc cauchemardesque pour ses habitants. Et c'est bien le cas dans celle-ci car dans le but d'éradiquer les violences faites aux femmes, un virus a été créé et a quasi éradiqué tous les hommes... quant aux survivants, ces derniers sont parqués dans des pôles où la vie est loin d'être paradisiaque. Vous comprenez le concept? Ne perdez pas de vue qu'il s'agit d'une fiction, que l'auteure n'a nul but d'éliminer tous les hommes de notre monde lol mais bien d'amener à une réflexion sur les rapports entre les deux sexes.
Fin de l'explication lol mais il me semblait important de vous réexpliquer cela avant de revenir au roman lui-même ;)

Comme toujours, laissez-moi vous conter le début de l'histoire : déjà, je voudrais attirer votre attention sur la citation qui ouvre le roman et qui amène déjà à la réflexion : il s'agit de la célèbre phrase de la grande écrivaine et philosophe, Simone de Beauvoir : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis". Force est de constater que cette phrase est totalement et malheureusement toujours d'actualité et que nos droits, dans de nombreux pays, ont régressé.
Christelle Da Cruz, elle, va proposer une variante à cette phrase puisque ce sont les droits des hommes qui vont être remis en question : l'inverse comme elle l'indique ;) 


Le roman s'ouvre en juin 2023 (nous sommes donc quelques années dans le futur) dans la cité d'Antigonia : ce nom a été crée sur le personnage d'Antigone, symbole de la résistance aux hommes, depuis l'Antiquité : les bases sont donc données alors que nous n'avons même pas lu un mot. L'histoire commence "in medias res" (ou au coeur de l'action, si vous suivez le blog vous le savez maintenant ;) ) puisqu'il s'ouvre sur un silence de plomb! Original, non? mais qui nous laisse entendre que le moment est grave... Nous sommes pourtant en plein milieu d'une discussion sérieuse entre neuf femmes et deux camps semblent s'affronter : l'un mené par une dénommée Rebecca qui souhaite agir alors que de l'autre, il y a Marion qui, elle, semble effarée par ce qu'elles s'apprêtent à faire et souhaite visiblement reculer. Mais elle est bien seule... Les autres sont déterminées : on comprend que le sujet est sérieux, que l'opération envisagée est minutieusement préparée et ce, depuis longtemps et que l'opération aura lieu dès le lendemain. On peut déjà craindre le pire puisque l'on évoque des pôles d'enfermement (ce terme évidemment nous faisant penser à de la prison) et surtout, on parle de la propagation d'un virus!!!!! Si l'on n'a pas lu le résumé, on ne sait donc pas à quoi tout cela va servir. En revanche, Rebecca laisse entendre que cette opération aura des répercutions sur le long terme et semble ravie de ce qui va en découler.
Le chapitre 2, lui, se situe toujours dans la même cité mais nous sommes cette fois en 2081, c'est à dire que quasiment 60 ans se sont écoulés entre les deux chapitres. Nous faisons cette fois connaissance avec Gabrielle, une jeune femme au langage fleuri, qui peste contre sa voiture (ou son taxi) qui ne souhaite pas démarrer. Elle est contactée par sa patronne, Dotie, qui l'envoie faire une course près de l'Opéra. On  une première description de la ville et si l'on ne savait pas que l'on a fait un bond dans le futur, on pourrait se dire que cette cité ressemble à n'importe laquelle de nos mégalopoles modernes. Premier mystère, la cliente demande à être récupérée à l'arrière de l'Opéra et cette rencontre fortuite va bouleverser la vie de notre héroïne. Il s'agit d'une femme âgée d'une soixantaine d'années environ, qui est visiblement habituée à l'autorité et a une classe évidente. Elle demande à être amenée à un endroit appelé "Greefairy" : ce nom, qui évoque l'univers des fées, est un réalité un "bar de nuit" réputé pour ses fêtes, voire être un lieu de débauche où drogues et autres substances que l'on qualifierait aujourd'hui d'illicites, semblent être monnaie courante. Pourtant, c'est un Le lieu de la consommation de drogue encadré, nous précise-t-on (là, on se dit alors que ce n'est pas comme chez nous, même s'il y a les fameux "centres de shoot" parisiens). On se demande alors ce que cette femme d'un âge certain vient faire ici, même si elle a précisé à Gabrielle qu'elle cherchait un homme et visiblement, ces derniers ne sont pas faciles à trouver en ville. La jeune femme semble surprise et l'on apprend qu'ils sont peu nombreux et obligés de se cacher. On se demande alors pourquoi. La cliente souhaite être attendue et après une heure, celle-ci revient et désire, cette fois, être conduite au quartier Evita (encore une femme, symbole de la résistance, argentine, cette fois) qui se trouve être le "plus huppé de la ville". Elle la paye alors grassement à la grande surprise, une fois encore, de Gabrielle. Elle l'informe qu'elle refera appel à elle dans les jours prochains. Une fois seule, la jeune chauffeuse de taxi se demande si elle doit poursuivre son travail et se poster près des Arènes (tiens, tiens, un autre lieu atypique qui se trouve dans un quartier où l'on trouve de nombreux bars et boîtes de nuit mais surtout, on apprend l'existence de "Jeux", ce qui n'est pas sans rappeler les arènes antiques (elles sont d'ailleurs inspirées du Colisée, apprend-on) où se déroulaient les combats de gladiateurs... mais nous sommes en 2081, n'est-ce pas? bien loin de l'Antiquité... et pourtant... Je vous invite, d'ailleurs, à apprécier l'imagination de l'auteure dans la création de son monde et du choix des noms) Après quelques courses, elle décide de rentrer chez elle où elle retrouve sa colocataire qui, elle aussi, s'adonne à des substances bien peu "traditionnelles", si vous voyez ce que je veux dire... ce qui énerve considérablement Gabrielle qui, elle, ne semble pas donner là-dedans (son seul défaut est la cigarette). Elle garde la tête froide et est toujours intriguée par sa soirée et sa rencontre avec sa mystérieuse et élégante cliente si bien qu'elle finit par les raconter à Viviane, qui comme elle, n'en revient pas, ni du prix de la course, ni du fait qu'elle cherchait un homme "non répertorié"! Là, on se dit qu'il y a quelque chose qui cloche vraiment, surtout lorsqu'elle précise que si l'un d'entre eux se baladait en ville, ce serait un événement tel qu'il serait recherché, sa présence annoncée aux médias et pire arrêté comme s'il était prêt à déclencher l'apocalypse. Cette fois, aucun doute n'est permis : on n'est vraiment plus dans notre monde! Il y a visiblement quelque chose qui ne va pas. Pourquoi les hommes sont-ils tous poursuivis comme s'ils étaient tous des criminels, tout simplement parce qu'ils sont hommes?!  Evidemment, vous le saurez en lisant ce très bon roman... Je ne vais pas plus loin dans ce très riche chapitre 2 mais sachez qu'il pose les bases de cette société futuriste et matriarcale qu'il faut vraiment  vraiment appréciée à sa juste valeur grâce à la créativité de l'auteure. Après l'avoir lu, on sait que les techniques et les relations ont sacrément évolué (je vous laisse découvrir comment) mais tout se tient et semble crédible. On plonge dans un univers qui n'est pas le nôtre sans aucun souci et l'on va découvrir progressivement une intrigue qui prend place dedans.
Vous l'avez bien vite compris, Gabrielle va revoir sa mystérieuse cliente et faire la connaissance avec l'homme qu'elle recherche. Mais qui est-elle et qui est-il? quel rapport a-t-il avec cette femme? pourquoi semble-t-il vouloir l'entraîner dans leurs histoires? En tout cas, après cela, la vie de notre héroïne ne sera plus jamais la même et tout un pan de son monde va lui être révélé et évidemment, elle aura des choix à faire... Mais bien sûr, je vous laisse le soin de les découvrir par vous-même.


J'ai beaucoup aimé ce personnage de Gabrielle qui est une femme à la fois forte et fragile : élevée et endoctrinée dans une société qui prône la peur des hommes, elle ne va pas pour autant s'évanouir quand elle va en rencontrer un, pour la première fois de sa vie. Au contraire, elle va réagir avec intelligence et sensibilité car elle comprend bien vite qu'il y a "quelque chose de pourri dans la cité d'Antigonia". Bien sûr, elle va succomber aux charmes du jeune homme qui s'appelle Alexandre mais ce n'est pas pour autant qu'elle va s'engager sans réfléchir. Forcément, la découverte des aspects les plus sombres de son monde vont remettre en question sa vie et bientôt, elle n'aura plus de choix. Elle devra entrer elle aussi en résistance...

Quant à Alexandre, c'est un homme de 2081, ce qui veut donc dire qu'il a passé majoritairement la plupart de sa vie (il a 30 ans environ et elle, 28) dans ces fameux pôles d'enfermement où la vie est horrible, n'ayons pas peur des mots. On pourrait penser qu'il serait dur, amer, voire misogyne (après tout, il a souffert à cause des femmes) et bien non, c'est tout le contraire : c'est un combattant (il lutte pour les droits des hommes et leur liberté ) et c'est un homme ouvert, chaleureux, drôle et auquel Gabrielle (comme nous) nous ne pouvons que succomber.

Volontairement, je ne vous parlerai pas des personnages secondaires car je vous les laisse les découvrir : je ne dirais que quelques mots sur Rebbeca : certes, ce qu'elle a vécu peut expliquer sa haine des hommes mais fallait-il, pour autant, les rendre tous responsables au point de les annihiler ou quasi? sûrement pas! c'est une femme froide et dure, bien représentative des dirigeants de dictature, quelle qu'elle soit!


Mais si j'ai beaucoup aimé cette histoire, c'est parce que, outre le fait qu'elle propose une romance, ce n'est pas ce qui l'emporte totalement. D'abord et avant tout, il s'agit de dystopie. On est dans un monde futuriste où pour éliminer les violences faites aux femmes, on a éliminé quasi tous les hommes (je ne révèle rien, c'est marqué dans le résumé) : faut-il vraiment en arriver là?
 La question est posée mais le résultat ne semble pas si heureux que cela : je vous l'ai dit au départ, nous sommes dans une société totalitaire où il ne fait pas bon contrarier les idées du Mouvement (et oui, mouvement avec un "M" majuscule pour symboliser un parti unique qui semble régner sur tout la planète. Inquiétant, non? Où sont donc passées les libertés d'expression et de vote?) qui est dirigé par la fameuse Rebecca (celle du chapitre 1) celle donc qui voulait agir et lancer ce fameux virus. 
 A première vue, les femmes, sans homme, semblent vivre en harmonie, sans ces fameuses violences que l'on évoque tant tous ces jours (je vous mettrai à la fin une photo d'un passage prononcé par Rebecca qui évoque ce monde d'avant, qui l'a poussée à agir (le nôtre donc) et qui a tant fait réagir sur ma page Facebook et a attiré un monde fou (preuve que c'est un sujet brûlant et d'actualité)  mais sont-elles heureuses pour autant? laissez-moi en douter puisqu'elles vivent dans un monde où la/les drogues semblent être légales : un "bon" moyen pour oublier la réalité? sans nul doute sinon, elles ne seraient pas autant légalisées! En "planant", elles oublient ce qu'elles sont et ce qu'elles vivent.
Quid donc des relations amoureuses puisqu'il n'y a pas d'homme? Là encore, toutes les femmes n'étant pas homosexuelles, on nous explique certaines passent des partenariats domestiques sur fond d'amitiés, que parfois il y a des unions d'amour mais que beaucoup finissent par de l'infidélité : super, n'est-ce pas? 
Et les grossesses me direz-vous? comment font-elles pour avoir des enfants puisque les hommes sont absents ou contaminés par ce virus? là encore, tout est réglé (au sens, on ne déroge pas aux règles du "Mouvement") et tout est contrôlé : il faut l'aval de la Commission pour pouvoir avoir droit à une grossesse médicalement assistée et là encore, que faire s'il naît un garçon? et bien le sort de l'enfant n'est pas enviable puisqu'il est retiré à sa mère à l'âge de 12 ans (pour aller où?) et donc que forcément celle-ci en éprouve une souffrance épouvantable. 
Voici donc quelques exemples de cette société, sans hommes, sans violences quotidiennes, où les femmes ont tous les pouvoirs : je vous laisse découvrir les autres aspects. Bien sûr, il est évident que certains aspects pour lesquels on se bat tant encore aujourd'hui, sont bien agréables puisqu'ils ont disparu en raison de l'absence des mâles (c'est pour éviter la répétition ;) ) 
Encore une fois, il s'agit d'une fiction faite pour nous faire réfléchir sur les rapports entre les deux sexes : posez-vous donc les bonnes questions, que vous soyez justement un homme ou une femme ;) 
Vous verrez que la société futuriste offre aussi des avantages au quotidien et l'on voit l'aboutissement de certains débats qui agitent notre monde aujourd'hui : je ne suis pas sûre que la disparition des livres pour éviter la déforestation (soi-disant, je vous rappelle que c'est le Mouvement qui affirme cela) me plaise beaucoup : je suis une addicte de ma liseuse mais j'ai besoin aussi du toucher et de l'odeur du papier. De même, moins de monde conduit forcément à moins de problèmes de nourriture mais est-elle pour autant agréable si elle est aussi contrôlée (beurk à la gélatine verte)? En revanche, les caissons qui soignent, les moyens de paiement simplifiés, les moyens pour rester un peu plus jeune, l'omniprésence de la domotique pour simplifier la vie etc etc... semblent annoncer un futur assez intéressant. Pourtant n'oubliez jamais que derrière toutes ces technologies qui prennent de plus en plus de place dans notre vie, c'est aussi un moyen de savoir où l'on est, ce qu'on fait, quand et sûrement bientôt avec qui! Quid de la liberté de mouvement et de pensée? Tout ceci nous amène forcément à réfléchir sur notre monde et son futur...

Bref, je pourrais vous parler encore longtemps de ce qui fait la richesse de cette dystopie qui se lit facilement : l'écriture est fluide,  l'histoire semble simple (en apparence, évidemment) et les personnages sont vraiment attachants (sauf Rebecca, mais cela, vous l'avez compris, enfin, je suis sûr qu'elle aura aussi ses fans). De plus, si vous n'avez pas envie de vous poser des tas de questions, ce n'est pas un souci, prenez ce roman simplement comme un bon moment de détente... vous ne le regretterez pas. 
J'ai vraiment vraiment hâte de lire la suite et de voir comment ils vont s'en sortir : la fin nous laisse sur notre faim et l'on se dit, évidemment que le Mouvement ne va pas se laisser faire! Qui va s'en sortir? Qui va triompher? On alterne entre espoir et désespoir, on a peur pour nos personnages et l'attente sera terrible... mais je veux être optimiste. 
Oui, nous femmes, nous allons devoir continuer tous les jours à nous battre pour faire reconnaître nos droits qui devraient être "naturels" mais l'auteure nous envoie aussi un message, ce n'est pas en tombant dans l'extrême que l'on fera avancer notre combat, bien au contraire! A méditer....

Donc, pour acheter ce très bon roman (premier?), deux possibilités : soit vous le précommandez en numérique, chez Amazon, par ici : Matriochkas 1

Si vous voulez la version papier, il faut se rendre sur le site des Editions Dreamcatcher, par là :  Editions dreamcatcher


Photo du fameux passage dont je vous ai parlé plus haut (qui a tant amené de vues sur ma page) prononcé par Rebecca pour justifier ses actes et donc éradiquer les hommes. 

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